Et si votre mirroir se moquait de vous!
Il est beau, il est grand et magnifique. Tout le monde le sollicite mais, il ne pourra pas s'empêcher de se moquer de vous. Qui est-il? Il est le miroir moqueur.
Si vous vouliez vous y voir, il vous cacherait votre reflet et ne vous renverrait qu'un bruit étrange. Si vous vouliez vous y admirer, il ne vous renverrait qu’une musique de piano désaccordé… Sans vous tenir devant il vous reflèterait alors la plus belle image de vous et, aussitôt en face, la ferait disparaitre à nouveau. Au loin vous pourriez l'entendre rire, se moquer de vous et de tout, tout le temps, pour son propre plaisir.
Un jour, une fleur qui avait besoin de se voir s'installa devant lui et chercha son reflet. Au bout d'un instant elle s'aperçut qu'elle ne se voyait pas.
«Quel miroir étrange » pensa-t-elle, « je me tiens juste devant mais aucun reflet n'apparait !»
C'est alors que le miroir lui parla:
«Que veux-tu voir chère fleur?»
Étonnée d'entendre un miroir parler, elle prit peur, mais comme elle était curieuse, elle décida de lui répondre:
«Je veux me voir moi que diable»!
Le miroir se mit à rire aux éclats et demanda:
«Pourquoi me mens-tu chère fleur?
-Mais je ne te mens pas, je n'ai jamais menti, et je ne vais pas commencer à mentir à un miroir qui, de surcroit, parle et se moque de moi!»
Le miroir se présenta:
«Excuse moi chère fleur, mais je suis le miroir moqueur et je me moque de quiconque a besoin de m'utiliser pour se voir»
Contrariée, la fleur pensa qu'elle devenait folle. Comment était-ce possible qu'elle parlât à un miroir, et qu'un simple objet refusât de faire ce pour quoi il était destiné? Elle avait tant besoin de se voir. Elle s’assit et soupira. La voyant désespérée, le miroir lui dit:
«Tu parais triste chère fleur, je me suis moqué de toi et je t'ai volé ton reflet, mais crois moi, ce n'est pas grave!
-Si c'est grave!!! J'ai vraiment besoin de me voir» lui répondit la fleur!
-Mais je le sais très bien chère fleur que tu as besoin de te voir, je suis un miroir et toutes les personnes qui se tiennent devant moi ne me demandent que cela: leur reflet ! Alors comme je suis moqueur je le leur vole et à la place je leur parle, je leur joue de la musique, tel est mon bon plaisir!
-Tu es un miroir bien méchant! Tu n'as pas le droit de me voler mon reflet, rends le moi! J’en ai besoin! Je n'ai pas besoin de tes paroles ni de tes sornettes d’ailleurs. Tu es un miroir et tu dois faire ce pour quoi tu existes!
- Méchant? Faire ce pour quoi j’existe? Tu es bien amusante petite fleur!
Apprends que si je me moque de toi c'est justement parce que j’ai un cœur, et comme je t’estime je ne peux pas te donner ce dont tu as besoin...
-Parfait! Ce n'est pas important, j'irais me voir ailleurs, il y a tant d’autres miroirs après tout!
-Impossible, je t'ai volé ton reflet, il n'existe plus aucun moyen pour toi de te voir!
-Mais tu es vraiment un horrible miroir! Comment me verrais-je désormais?
-À présent, tu n'as plus qu'une seule manière de te voir chère fleur: tu devras te voir dans les yeux des autres. Ainsi, peut-être qu'un jour, tu retrouveras ce que tu as besoin de voir. Mais il se peut que tu ne voies rien, que tu ne retrouves rien, pire encore: il se peut que tu ne retrouves personne. Mais si par miracle tu voyais quelque chose, reviens me raconter ton aventure. Et si ton récit ne me donne plus envie de me moquer de toi, il se peut que je te rende ton reflet!»
La fleur était désorientée et perdue, elle souffrait de ce qui venait de lui arriver. Elle avait tant besoin de se voir. Comment allait elle pouvoir se voir dans le regard des autres sans être gênée, sans avoir peur de se montrer? Son corps portait les traces de ses combats de fleur, des pétales lui manquaient, son nectar n’était plus le même qu’aux printemps joyeux, son parfum s’était évaporé au gré des vents et des orages. Elle se demandait dans quels yeux elle pourrait assouvir son besoin de se voir. Se voir pour savoir, se voir pour se sentir en vie, se voir pour croire à nouveau.
Épuisée de ce questionnement, elle partit et chercha. Sur son chemin, aux détours des sentiers elle rencontra une abeille qui voulait butiner, dans ses pétales.
«Quel délicieux nectar as-tu chère fleur» dit l’abeille. «Comment pourrais-je te remercier de m'abreuver ainsi?
-J'ai besoin de me voir, mais je n'ai plus le droit à mon reflet, alors dis-moi ce que tu vois.
-Je ne peux pas, mais je peux te dire que ta saveur est celle de la vie, car grâce à toi, je peux aller faire couler le plus délicieux des miels dans ma ruche!»
Attristée de ne pas pouvoir se voir dans les yeux de l'abeille, la fleur la remercia, et continua sa route. Plus loin elle croisa deux amoureux qui couraient sur les chemins. Le jeune homme accourant vers elle lui demanda s’il pouvait la passer dans les cheveux de son amoureuse au moment où il offrirait son cœur à celle qu’il aimait depuis tant d’années. La fleur lui répondit:
«Oui», à condition qu'elle puisse se voir dans ses yeux après cela. Heureux, le jeune homme passa la fleur dans les boucles de sa promise et après avoir déposé la fleur à terre, il embrassa sa douce, toute conquise par cette délicieuse caresse.
«Alors!» dit la fleur, «tu dois maintenant me laisser me voir dans tes yeux!!!
-Mais je ne peux pas! par contre je peux te dire comment se sent mon cœur. Grâce à toi, il se sent comme dans un bain tiède de miel et de rires et claque aussi fort qu’une voile de bateau en pleine tempête».
La fleur esquissa un sourire, et reprit sa route…
Dans la clairière voisine se tenait une poignée de soldats, la musique funéraire transperçait la lumière, ils ramenaient à la terre leur frère qui continuerait un autre voyage sans eux, ailleurs… Un de ces soldats aperçut la fleur et lui demanda s’il pouvait la porter à son veston le temps de l’éloge. La fleur tout émue devant ces adieux lui répondit:
«Oui» à condition qu’elle puisse se voir dans ses yeux à la fin de la cérémonie. Une fois l’éloge terminée , le soldat déposa la fleur à terre, elle lui demanda alors sa réponse:
«Je ne peux pas dire ce que je vois» dit le soldat, «car mes yeux sont remplis de larmes, mais grâce à toi je sens à nouveau la vie me traverser de toute part, malgré les adieux à mon frère. Je sais désormais que je retrouverais un jour celui à qui je dois la vie, et qu'il m'attendra».
La fleur sourit au soldat comme on sourit à l’être aimé qu'il faut quitter, et elle le remercia malgré tout. La nuit tombait et elle se blottit sous un arbre, elle repensait à sa journée:
«C’est étrange, je croyais avoir fané…cependant tout le monde avait envie de moi aujourd’hui, et en même temps ils ne me voyaient pas? Curieux! Il est temps à présent d’aller conter mon aventure au miroir moqueur. Je n’ai pas réussi à me voir dans les yeux des autres, je dois lui dire».
De retour auprès du miroir elle lui conta son aventure:
«Miroir moqueur, tu dois savoir que personne ne m'a vu. Une abeille avait envie de moi pour du miel, un jeune homme avait envie de moi pour une déclaration d’amour, un soldat avait envie de moi pour embrasser la vie, mais aucune de ces personnes ne m'a vu, aucune! J'ai échoué, je ne me suis pas vu dans les yeux des autres».
Le miroir moqueur qui riait aux éclats lui répondit:
«Chère fleur, je vais peut-être te rendre ton reflet, mais avant cela dis-moi, comment toutes ces personnes ont-elles fait pour te trouver sans pouvoir te voir?
-C'est simple, ces personnes m’ont trouvé parce que j’étais là!!!!»
Le miroir continuait à rire.
«Oui tu étais là, et tu t’es montrée telle que tu es. Sache que je ne pourrais jamais te rendre ton reflet, parce que je ne te l’ai jamais volé. Je ne peux juste pas refléter ce que tu ne me montres plus. Tu as mené tes combats de fleurs, tu as perdu des pétales, la vie t’a emmené dans les tempêtes et il se pourrait que tu fanes! Ta quête était de réussir à te voir, et toi tu n’as réussi qu’à te montrer! Alors fais moi plaisir chère fleur et savoure cet échec! Sache que je ne reflète jamais le besoin de se voir, je reflète l’envie de se montrer, lorsqu’elle est sincère et honnête. Plus tu te montreras, telle que tu es et non pas comme tu aimerais que l’on te voie et plus le miel coulera, plus l’amour éclatera et plus la vie se répandra. Je me moquerais toujours des gens qui ont besoin de se voir, c’est cruel je le sais. Prends bien soin de cette délicate cruauté, je te l’offre, c’est mon cadeau de vie pour toi».
La fleur restait sans voix! La voyant toute chamboulée, le miroir lui proposa sournoisement: «Veux-tu te placer en face de moi et découvrir ce que tu cherchais?
-Oui, même si je ne cherche plus»
Une fois devant le miroir elle ouvrit grand ses yeux et c’est à ce moment précis qu’elle retrouva…
L’histoire ne dit pas ce que la fleur a retrouvé en se voyant, mais je sais qu’un «petit quelque chose» au fond de vous l'a déjà deviné.
Cédric Bonnot, Coach de vie PNL
Vivez bien!
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